Interview : Audrey Bastide

Quelque peu préoccupée par la sortie du magazine Les Nouvelles de Kaboul, Audrey Bastide nous reçoit dans un loft du 19ème arrondissement de Paris, au siège de l’association Aïna, et prend le temps de nous parler de l’ONG et de la mission que s’est fixée le photojournaliste Reza.


Presse, culture, éducation, communication. Ce sont autant de domaines auxquels semble s’intéresser Aïna. Quelle véritable mission Reza s’est-il donné en créant cette association ?
Reza a crée Aïna en 2001, en parallèle de son métier de photojournaliste, notamment pour National Geographic et dans le cadre de missions préparées par les Nations-unies.
C’est une association humanitaire de troisième génération qui participe à l’émergence de la société civile par des actions dans les domaines de l’éducation, de l’information et de la communication, en particulier auprès des femmes et des enfants. Le souhait le plus cher de Reza et de nos équipes est de favoriser le développement de média indépendants et l’expression culturelle auprès de peuples ayant souffert.

Vous avez parlé d’Aïna comme d’une organisation humanitaire de « troisième génération ». Quelle différence avec ce que l’on peut connaître aujourd’hui ?
Les ONG dites de « première génération » sont symbolisées, notamment, par les « French doctors », à l’époque de l’engagement de Bernard Kouchner.
Ces organismes apportaient une grande aide matérielle, plus que nécessaire à ces peuples après un conflit ou une catastrophe naturelle.
Aujourd’hui, certes, les besoins matériels subsistent mais comme le dit Reza, l’important est aussi de « soigner l’âme des peuples meurtris ». On n’améliore pas les situations si on ne cherche pas à résoudre la partie moins visible. Ces peuples veulent retrouver la paix et Aïna se propose de les y aider à travers une richesse culturelle, des média libres, l’accès à différentes formes d’éducation.

Concrètement, quelles sont les actions qu’a entrepris l’association au cours des cinq années passées pour y parvenir ?
Nos équipes se sont principalement concentrées sur l’Afghanistan où ont été créés plusieurs supports de presse. On peut désormais trouver dans les rues de Kaboul, un journal pour les femmes, Malalaï, un magazine pour enfants, Parvaz [NDLR : signifie l’envol, en persan], un hebdo d’information, Kabul Weekly ; il existe aussi une radio de femmes et une radio plus ciblée vers la jeunesse afghane ; nous avons également fondé une école de journalisme à Kaboul où sont actuellement formés 1000 photojournalistes dont un tiers sont des femmes. Aïna a aussi créé un cinéma itinérant qui se déplace dans les petits villages du pays.
Aujourd’hui, la vocation de l’association est de s’étendre à d’autres pays qui ont besoin de ce développement culturel, comme le Sri Lanka ou le Rwanda.

Quels sont les soutiens et d’où proviennent les fonds pour de telles actions ?
Tout le monde peut participer à la mission d’Aïna en faisant des dons d’argent, de matériel ou en achetant les livres de Reza, par le biais du site internet de l’association.
Nous sommes également soutenus par de nombreuses personnalités du monde de la presse.
Pour le dernier numéro des Nouvelles de Kaboul, qui vient d’être mis en vente, nous avons reçu un soutien particulier de la Fondation Lévy, créée par Bernard-Henri Lévy, qui a financé le projet, mais également des journalistes comme Alain Génestar [NDLR : ancien rédacteur en chef de Paris Match], Alain Mingam [photojournaliste, actuellement membre du comité exécutif de Reporters Sans Frontières] ou encore Marc Longa [Directeur artistique de VSD]. Toutes ces personnalités ont accepté de participer bénévolement à la sortie du magazine.
Pour d’autres projets, comme celui que prépare Reza en ce moment en Ouganda, nous avons directement le soutien des Nations-unies. Ce projet consiste à remettre des appareils photos à des réfugiés ougandais pour qu’ils montrent leur vision du camp. Les photos seront ensuite exposées dans les bâtiments de l’ONU à New York.
Récemment, nous avons également lancé le projet Echo de Femmes, une radio pour les femmes, toujours à Kaboul. Nous avons reçu le soutien de dirigeants politiques français comme Nicole Ameline [ancienne ministre de la parité dans le gouvernement Raffarin] et Michèle Alliot-Marie.

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