Procès : Le vendeur de Bible lève la main droite…un peu fort.

L’affaire précédente à peine close, le juge, un homme quelque peu austère et libidineux, brise le silence de la 23ème Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris : « Affaire 8, Monsieur Ounzou, vous êtes là ? Madame Ounzou, aussi ? ».
Et le couple de s’avancer, têtes baissées, vers la barre. Ils sont africains, elle, ivoirienne, lui, béninois. Ils sont élégants, un tailleur pantalon sobre et un châle posé sur les épaules pour elle ; un costume trois-pièces sombre et une cravate rouge pour lui. L’assemblée se demande pourquoi ils sont là ; on ne peut lire aucune histoire sur leurs visages. Pas comme le précédent inculpé à qui l’on reprochait l’alcoolisme abusif et violent.

« Alors, qu’est-ce qui se passe chez les Ounzou ? » lance le juge à l’avocate de Madame, Monsieur n’ayant pas de défenseur assermenté.
La jeune femme, dans sa robe de magistrate un peu trop large, entame une diatribe larmoyante, expliquant que sa cliente a été victime de violences conjugales qui l’ont obligé à prendre « 6 jours d’ITT [Incapacités Totales de Travail] et 14 jours d’arrêt ».
Au fur et à mesure que les faits sont annoncés, M. Ounzou semble perdre son calme. L’angoisse le gagne, il interrompt l’avocate : « Je ne suis pas de nature violent, M. Le Président, je ne bois pas, je ne fume pas ». Le juge lui demande de se taire et d’écouter, sa voix forte faisant mentir la mauvaise acoustique de la pièce.

A ce moment-là, la situation de M. Ounzou s’aggrave. Le juge brandit les photos illustrant les violences dont a été victime la jeune femme. « C’est l’effroi, ces photos, Monsieur…traumatisme crânien ? Hématomes ? Il n’y aura pas d’excuses pour vous, M. Ounzou ».
Le prévenu s’énerve, il trépigne, on dirait un lion en cage. Pour se défendre, il explique qu’il fut vendeur de Bibles à Cotonou. Raté, le juge lui tombe encore dessus en lui demandant comment un homme de religion avait pu agir avec une telle violence.
« En tant que prédicateur de l’Evangile, je laisse ce jugement à celui qui nous jugera tous » clame-t-il en pointant le ciel du doigt.
Une fois de plus, le juge recadre ses propos : « Enfin, en attendant, je dois vous juger avant lui ». La salle rit, le prévenu aussi.

Le procureur prend la parole, du haut de son parloir, résume les faits et conclue en faveur de la victime : « M. Ounzou est coupable des faits qui lui sont reprochés. La cour requiert trois mois de prison avec sursis ainsi que le paiement de dommages et intérêts à fixer ultérieurement. »
Pendant quelques minutes, le président de la Chambre se retire et revient pour approuver le réquisitoire. Le couple laisse la place à l’affaire suivante, chacun n’osant lever les yeux.

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